Le destin

Nous nous étions donné rendez-vous au cinéma, et j’avouerais que je cultivais un certain stress quant à l’inconnu. J’adore les films sur grand écran, et après avoir discuté depuis un moment avec cette si incroyable femme, ma curiosité et le désir de découvrir son univers me donnaient l’audace de progresser au-delà de mes inquiétudes qui était déjà très loin derrière moi.

Je l’espérais devant les grandes portes vitrées de l’établissement récréatif, je tentais à tout prix de faire abstraction de cette gêne qui me côtoyait depuis mon tout jeune âge en extirpant de mon manteau mon cellulaire sur lequel je composai son numéro. Après tout, nous allions passer la soirée ensemble. Lui téléphoner la déstabiliserait sans doute, et allègerait ma timidité. Finalement deux textes apparus sur la brique qui me servait de téléphone. Elle m’attendait près des salles 12, 13, 14. Les papillons qui avaient pris leurs envols dans le bas fond de mon ventre me transportèrent à l’intérieur de l’édifice. Les gens qui déambulaient autour de moi semblaient avoir point de visage, ma vue recherchait ses cheveux magenta. Je traversais la foule, et je l’aperçus au loin.

Elle était magnifique. La couleur éclatante de sa chevelure, et ses grands yeux d’un vert unique étaient d’une profondeur qui m’était inconnue jusqu’à maintenant, et la rendait irréelle. Un fin trait de crayon noir pour les yeux et une petite ligne de brillant argent accompagnaient son si étincelant regard illuminé qui m’examinait au plus profond de l’âme. Je me sentais si minuscule devant une telle splendeur. Son magnifique sourire m’enfiévrait au point de réveiller la braise presque éteinte d’une flamme qui jadis, brulait en moi. Nous prenions notre envol vers le comptoir de la billetterie, et nous brisions cette mince couche de glace qui nous séparait. Les rires, et les regards se multipliaient et j’étais dès lors si léger à ses côtés. Nous commandions des nachos, des bonbons sûrs, un thé glacé, et un frutopia. C’est sans doute ce genre de chose que j’adore me remémorer, de petite futilité, mais tellement important à mes yeux. Elle était si belle, et si agréable pour mon cœur, et avec elle je me sentais déjà bien d’être moi-même. Nous rentions dans une salle presque vide où nous avions prévu regarder un film d’amour que nous avions choisi à l’aide d’une pièce à pile ou face, quelques heures avant notre premier rendez-vous. Ce procédé m’avait charmé, et j’étais ravi d’avoir eu la chance d’aller voir ce film romantique aux côtés de ma nouvelle flamme. J’aimais la magie qui semblait déjà régner entre nous deux. Nous nous asseyions dans la dernière rangée au sommet de la salle, et nous dégustions des nachos en faisant connaissance. Sa présence m’avait séduit si rapidement, et j’étais dès maintenant accroc à son sourire. Ma nouvelle mission sur terre serait de faire briller ce si adorable visage le plus fréquemment que je le pourrai. Des bandes-annonces défilèrent sur l’écran qui se trouvait devant nous, et je me demandais intérieurement comment je pourrai m’abstenir de la contempler, et de vouloir lui parler durant l’espace de tout le film, et finalement tout se passa d’une façon fantastique. Nous avions échangé des rires, des regards qui en disaient long, et au fond de moi, je savais que j’étais où je devais être. J’avais le sentiment d’être avec une personne que je connaissais déjà. J’avais l’impression d’admirer deux êtres qui s’abandonnaient, un à l’autre. Vers la fin du film, je l’aperçus verser une larme. Elle était triste par rapport à une scène, mais moi je voyais en elle toute cette délicatesse de l’âme, et j’étais émerveillé.

La soirée ne pouvait pas mieux se passer. Nous quittions le cinéma sur un nuage. Dans le stationnement, nous rejoignions son automobile, et nous envisagions d’aller prendre un verre. J’avouerais que je n’avais point songé à la manière dont j’allais revenir par la suite, tout ce que j’avais en tête était de demeurer avec elle. Je lui suggérai un bar dans lequel j’étais déjà allé auparavant. J’adorais l’atmosphère qui y régnait. Les balançoires, les jeux vidéo, les vieux films des années 80, bref elle avait affectionné l’idée. Nous roulions en partageant des anecdotes sur nos vies jusqu’à l’établissement en question. L’endroit aux apparences farfelu était bondé de gens. L’ambiance y était festive. En entrant, nous avions remarqué cette petite table laissée pour contre, que nous avions choisie comme emplacement de prédilection pour se boire des yeux. Je lui demandai ce qu’elle voudrait, et me dit de sa délicieuse voix qu’elle aimerait un rhum épicé avec jus de pomme. Je lui souris, et je me redressai pour me rendre à ce bar enseveli d’une dizaine de personnes plongées dans un état avancé d’alcoolémie, pour commander ce que ma douce flamme demandait, ainsi qu’une bière. Du comptoir, je lui fis signe de me rejoindre. À l’instant où elle se leva, je venais de comprendre… que c’était le destin. Que parfois, les choses sont simplement parfaites pour deux humains! Que le reste importe peu.

Je lui réclamai gentiment un baiser, et elle me le donna. Nous étions loin. Nous étions quelque part en train de flotter je ne sais où. Désormais, nous étions nous. Je savais que tout cela était si rapide, mais pourquoi retenir son cœur contre son gré? Je me servirai de mon imagination pour entrevoir un bel avenir pour nous deux, au lieu d’avoir ses craintes de perdre, et de revivre des blessures qu’on a tant mis d’effort à distancer. Je me jurai de l’aimer quoiqu’il arrive.